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LA PLUIE S'EN VA

Un soir de novembre, elle se retrouve en prison à Fleury. Elle se sent comme un arbre sans racines. Accrochée à rien.

Dehors il neige.

Là-bas, c'est dur. Être au trou, c'est dur. Même si le ciel est juste là. Mais en dehors. Plus tard, elle écrira le dégoût, l'épreuve et l'ennui: une suite de confessions et impressions en huit clos. Une chronique sombre et presque hallucinatoire. Un récit sur l'enfermement, la mélancolie et le vertige.

Elle y raconte son expérience carcérale et son inconfort obsédant. Elle y détaille ses humeurs rochées, ses cauchemars, la solitude des cellules grises, le vide des espaces barricadés, les pensées parasites qui mitraillent. Pour s'en éloigner, elle s'emmène ailleurs. Elle pense à son île. Son mirage. Elle pense au loin. A cette mer libre et bleue. Elle aimerait être en mode flotteur. Pour faire la planche. Et se dit qu'elle n'est pas grand chose au milieu de ce vaste océan. Parfois, elle s'invente des penchants typographiques. Comme un rempart contre la médiocrité. Alors elle dessine dans sa tête une constellation du littoral, faite de points de croix, de lignes et de lettres. * Histoire de retrouver quelques points cardinaux.

Le soleil perce quelques nuages. Mais le temps reste incertain.

Elle respire. Elle pense à sa chanson préférée, qu'elle murmure agenouillée et de manière monastique. Ce soir je serai La plus belle pour aller danser... Mais pour l'instant, elle est en panne. En mode survie.

A présent il pleut.

Elle se demande ce qu'il y a ce soir à la télévision. Puis regarde ses chaussures et les motifs de son pantalon. Et glisse dans le souvenir de l'enfance. Des images se succèdent. Cheval, baskets, auto-tamponneuse. Barby walkman.

La pluie s'en va.

La fragilité ne cèdera jamais complètement à sa force de caractère.

Un jour elle partira retrouver son île. Son sunset mélancolique. Orientation bord de mer et coconut. Direction chasser tristesse.

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